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24 février 2005

S'ouvrir les portes de l'autofinancement

Le taux maximal de croissance par autofinancement permet d'évaluer les performances et les besoins prévisionnels de trésorerie.

NEIL C. CHURCHILL ET JOHN W. MULLINS

La première partie de cet article, parue dans le cahier 8 de L'Art d'Entreprendre, traitait des entrées et des sorties de trésorerie dans un cycle d'exploitation.

Mais, si le taux de croissance est important dans un cycle d'exploitation, la plupart des managers réfléchissent en termes de croissance annuelle. Pour annualiser le taux maximal de croissance par autofinancement (Mifrog ou Maximum Internally Financiable Rate of Growth) pour différents produits ou marchés, ou le comparer avec ceux de différentes sociétés, il est nécessaire de le faire sur une même période.

Il est évident que, si notre entreprise fictive, M&C, enregistre une croissance de 7,47 % en 170 jours, elle aura une croissance supérieure sur 365 jours. Il suffit de multiplier le taux maximal de croissance par autofinancement correspondant à un cycle unique par une année divisée par 170 jours. Le taux maximal de croissance par autofinancement annuel est donc de 16,04 %.

En conséquence, si M&C enregistre une croissance inférieure à 16,04 %, l'entreprise va générer, par ses ventes, une trésorerie plus importante que ne le requiert sa croissance. En revanche, si la croissance de M&C;est supérieure à son taux maximal de croissance par autofinancement, elle devra trouver des capitaux externes pour la financer. Le taux maximal de croissance par autofinancement constitue donc un outil de prévision des besoins en trésorerie.

Maîtriser les flux de trésorerie

L'exemple de M&C;nous montre que les facteurs qui déterminent le taux maximal de croissance par autofinancement sont : premièrement, la trésorerie nécessaire pour produire une unité de vente ; deuxièmement, la durée de chacun des cash-flows ; troisièmement, la trésorerie générée par l'unité de vente résultante.

Si la gestion peut réduire le montant de la trésorerie nécessaire, réduire la durée des décaissements ou augmenter les liquidités générées par une unité de ventes, le taux maximal de croissance par autofinancement s'accroît. Ce résultat est illustré figure 1, avec en parallèle la situation initiale, c'est-à-dire un taux maximal de croissance par autofinancement annualisé de 16,04 %.

Levier 1 : réduire les liquidités nécessaires

Supposons que la direction de l'entreprise puisse réduire le coût des marchandises vendues de 1 % et les coûts d'exploitation de 0,5 %, comme indiqué à la figure 1. La trésorerie requise pour financer une vente diminue de 0,669 à 0,658 franc, soit un gain de 0,011 franc par cycle d'exploitation. Si la trésorerie générée par la vente était restée inchangée (0,05 franc) du fait d'une diminution équivalente du prix, les anciennes ventes nécessaires pour produire une nouvelle vente auraient été égales à 13,16 francs, le taux maximal de croissance par autofinancement par cycle d'exploitation serait passé à 7,6 %, et à 16,32 % en annuel. Augmentation peu significative. Heureusement pour la société, cela ne s'est pas produit : elle n'a pas modifié ses prix et sa trésorerie a augmenté, à 0,065 franc par franc de ventes.

Levier 2 : augmenter le niveau des liquidités générées

Si les ventes produisent 0,065 franc de liquidités par franc, la société a seulement besoin de 10,129 francs de ventes anciennes pour générer 1 franc de ventes nouvelles (figure 1). Le taux maximal de croissance par autofinancement par cycle d'exploitation s'élève alors à 9,87 %, et par année à 21,2 %. Alors que l'augmentation à 0,015 franc des liquidités générées équivaut à 30 %, les liquidités nécessaires sont de 0,011 franc seulement, soit 1,64 %. Notons l'effet de la marge bénéficiaire. Cela explique pourquoi les sociétés de logiciels, une fois leur produit mis au point, peuvent croître si rapidement. Elles facturent de 150 francs à 300 francs un produit dont le coût de vente est inférieur à 20 francs. Si la société relevait simplement ses prix de 0,015 franc sans toucher aux besoins de trésorerie, elle aurait une croissance autofinancée par cycle d'exploitation de 9,72 % et de 20,86 % par an, c'est-à-dire un résultat pratiquement identique.

Levier 3 : réduire le cycle des cash-flows

Le troisième levier est illustré par les deux dernières colonnes de la figure 1. Il est appliqué à la fois au scénario initial et au scénario amélioré. On réduit de 4 jours (5 %) la durée de détention des stocks et de 6 jours (6,67 %) le délai moyen de règlement des comptes clients. Il en résulte un cycle d'exploitation de 160 jours au lieu de 170, qui se traduit par une augmentation des taux maximaux de croissance par autofinancement par cycle d'exploitation et par an de 7,55 % et de 17,22 % respectivement dans le cas du scénario initial, et de 9,97 % et de 22,75 % dans le cas du scénario amélioré. Rien n'interdit en effet aux dirigeants d'actionner simultanément les trois leviers. Cela représente un relèvement de plus de 40 % du taux de croissance de la société sans apport de capitaux externes.

Nous avons jusqu'ici considéré un cas de figure simplifié, dans lequel le cycle d'exploitation englobe tous les flux de trésorerie nécessaires pour financer 1 franc de ventes. Mais la plupart des entreprises doivent périodiquement augmenter leurs capacités physiques de production, investir dans <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />la R&D, ou réagir face à la concurrence par exemple en étoffant leurs programmes de marketing sur de multiples périodes. La trésorerie nécessaire pour financer ce type d'investissement, que ce soit dans le domaine des installations et des équipements, de la R&D;ou dans tout autre domaine, doit être planifiée.

M&C, entreprise industrielle (Figure 2)

(*) Les coûts de main-d'oeuvre sont engagés de manière constante pendant les 80 premiers jours de travail. Si l'on multiplie les coûts correspondants à chaque période de 10 jours par le nombre de jours restant avant l'encaissement, selon la méthode utilisée pour calculer les coûts d'exploitation dans la figure 3 de la première partie de cet article (cahier n^o 8, pages VI et VII), et si l'on divise ensuite le total par 170 jours, les sorties de trésorerie correspondant à la main-d'oeuvre sont en moyenne de 0,15294 franc.

Cash-flows « multipériodes »

Les cash-flows « multipériodes » impliquent deux changements. Le premier concerne les liquidités générées par une vente. Le second porte sur l'affectation des liquidités requises pour acheter des biens d'équipement, pour financer des programmes marketing ou pour soutenir la R&D sur les cycles d'exploitation qui bénéficient de ces investissements.

Supposons que la société M&C se transforme en entreprise industrielle en ajoutant des machines et des équipements pour une valeur de 60.000 francs par 100.000 francs de ventes, et en décomposant les coûts de vente en coûts de matières et coûts de main-d'oeuvre (voir figure 2). Si la durée de vie de ces équipements est de dix ans, leur coût d'acquisition doit être inclus dans le calcul des besoins de trésorerie. Il s'agit de 0,06 franc par an, ou 0,0279 franc par cycle d'exploitation de 170 jours. Si l'on ajoute ce chiffre à la trésorerie utilisée par les charges d'exploitation, on parvient à un total de 0,6853 franc, qui doit être généré par les ventes d'un cycle d'exploitation, et à un taux maximal de croissance par autofinancement de 7,3 %, et de 15,67 % annualisé.

Calculs et avertissements

* La formule. Le calcul du Mifrog peut être exprimé par la formule ci-après :

* Les éléments de trésorerie et leur durée. La durée du cycle d'exploitation est celle de l'élément de trésorerie le plus long pour produire une unité de ventes. Dans les exemples ci-dessus, nous n'avons pris en compte que deux flux dans le cycle d'exploitation : le coût des biens vendus et les charges d'exploitation.

Il en existe d'autres qui peuvent s'étendre sur des périodes différentes, comme le paiement anticipé de spots télévisés, les lettres de crédit qui précèdent la livraison des stocks, etc. Le cycle d'exploitation est le cycle le plus long. Considérons l'exemple ci-après qui inclut quatre flux de trésorerie :

Dans cet exemple, le flux le plus long est celui du coût des ventes. C'est la somme de la lettre de crédit, du stock et du compte clients, soit 45 + 50 + 60 (155 jours) ; la publicité TV a été réglée 90 jours avant le passage à l'antenne qui génère le compte clients, et la lettre de crédit a été émise 95 jours avant la réalisation de la vente.

Si, toutefois, les dépenses de publicité devaient être réglées 120 jours à l'avance, le cycle d'exploitation serait alors égal à la somme des 120 jours de publicité et des 60 jours correspondant au compte clients, soit un total de 180 jours.

Etant donné les 90 jours de paiement anticipé de la publicité, l'encours de chaque cash-flow est le suivant : Le taux maximal de croissance par autofinancement est un outil puissant qui permet d'intégrer à la fois la gestion d'exploitation, habituellement centrée sur le compte de résultats, et la gestion financière, centrée, elle, sur le bilan. On peut le calculer pour les filiales, les lignes de produits et les segments de produits/marchés. On peut le faire à partir de moyennes passées ou de performances prévisionnelles. Il peut donc fournir un éclairage très utile sur les conséquences des décisions managériales.

* Avertissements. Il est à noter cependant que le taux maximal de croissance par autofinancement se fonde sur l'agrégation de cash-flows regroupés sur des périodes différentes. Il permet de cerner de très près la croissance qui résulte d'un ensemble complexe de facteurs interdépendants, sans toutefois être toujours exact. Dans tous les cas où l'on a besoin d'un chiffre précis, une approche plus traditionnelle - le tableur - est généralement préférable. Le taux maximal de croissance par autofinancement permet aux dirigeants de comprendre la situation ; le tableur offre la précision requise pour présenter un plan de trésorerie à une source extérieure de financement. Les deux outils méritent leur place dans une panoplie d'outils de planification.

Le taux maximal de croissance par autofinancement constitue un outil de prévision des besoins en trésorerie. En effet, si l'entreprise enregistre une croissance inférieure à ce taux, elle va générer, par ses ventes, une trésorerie plus importante que ne le requiert sa croissance. En revanche, si sa croissance est supérieure, elle devra trouver des capitaux externes pour la financer. (C) Masterfile/PIX

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24 février 2005

Démarrer avec des moyens restreints

Quand les moyens financiers sont trop limités pour espérer un soutien des banques ou du capital-risque, la famille et les amis sont souvent mis à contribution.

Pour celui qui rêve de créer son entreprise, il existe deux formules afin de disposer d'un capital de départ : emprunter ou solliciter des partenaires en fonds propres. L'emprunt permet de conserver la totale propriété de son entreprise moyennant le paiement des intérêts et le remboursement, à terme, du capital ; l'apport financier de partenaires oblige à partager quelque peu la propriété de l'entreprise, mais peut permettre de ne jamais avoir à rembourser, ni même parfois à verser, de dividendes.

Il s'agit donc de choisir entre le paiement d'intérêts ou le renoncement à une partie de la propriété de l'entreprise. Peter Kelly étudie cette question plus précisément dans l'article ci-contre. L'emprunt et le financement extérieur font chacun l'objet d'un article pages IV et V et page VI.

Le choix va dépendre du montant que peut obtenir un entrepreneur dans l'un et l'autre cas.

Garantie personnelle

La plupart des entrepreneurs ne disposent pas d'une grande marge de manoeuvre pour choisir leur financement. Celui qui se lance dans un secteur à risques avec peu ou pas d'actifs ne pourra pas obtenir de prêt bancaire sans fournir des garanties qui seront alors généralement prises sur ses biens personnels. Mais, même dans ce cas, la banque lui demandera d'apporter en propre 25 % de la somme empruntée, en général.

Voilà pourquoi la plupart des entreprises démarrent avec un budget très serré, leur créateur rassemblant tout ce qu'il peut en mouillant sa chemise. Le capital de départ est donc généralement réduit au minimum. Ainsi, sur la liste annuelle établie par le magazine « Inc. » des 500 meilleures petites entreprises américaines, on constate qu'un quart a démarré avec moins de 5.000 dollars, la moitié avec moins de 25.000 dollars et les trois quarts avec moins de 100.000 dollars ; moins de 5 % disposaient de plus de 1 million de dollars.

Le plus souvent, les entrepreneurs se lancent avec leur énergie et leurs économies. A défaut de revenus, cette énergie leur permettra d'être propriétaires à part entière de leur entreprise. Puis un investisseur individuel, qui connaît soit les entrepreneurs, soit leur secteur d'activité, soit les deux à la fois, va investir une partie de son argent contre des parts de l'entreprise (voir l'article sur les « business angels » en pages IX et X).

Si l'entreprise commercialise un produit, il est possible alors d'obtenir un prêt bancaire garanti par les stocks et les créances. Si elle connaît une croissance rapide sur un large marché, elle pourra augmenter son capital en faisant appel à une société de capital-risque. Enfin, elle peut encore assurer son expansion par recours à des bailleurs de fonds, appel public à l'épargne, ou fusion avec une entreprise plus importante.

La plupart des entreprises n'offrent pas le potentiel nécessaire pour attirer les investisseurs en capital-risque. Elles n'en doivent pas moins trouver des fonds. Ceux-ci seront généralement fournis par les deux F et les deux A : les Fondateurs commencent par leurs propres économies (parfois jusqu'au dernier centime), puis mettent à contribution <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />la Famille, les Amis et les « Aventuriers » de l'investissement.

Cela peut se révéler très risqué. En effet, les entrepreneurs se retrouvent souvent coincés avec la totalité de leurs avoirs placés dans l'entreprise qui fournit la totalité de leurs revenus. Ils se retrouvent donc sans filet de sécurité puisque, si leur entreprise échoue, ils perdent à la fois leurs économies et leur source de revenu. Nul ne doit prendre de tels risques sans la perspective d'un retour sur investissement particulièrement intéressant.

Mais comment le propriétaire d'une petite entreprise peut-il s'assurer une bonne rentabilité sans ouvrir son capital, ni vendre son entreprise ?

Les deux éléments déterminant le retour sur investissement sont le montant investi et le revenu produit chaque année par cet investissement. Ainsi, l'entrepreneur doit investir le plus petit montant possible pour démarrer et s'assurer que son entreprise pourra lui verser un « dividende » assez conséquent pour produire un taux de rendement annuel intéressant.

Fiscalement parlant, il pourrait être plus intéressant de verser ce dividende sous forme de prime ou d'avantages en nature plutôt que comme dividende proprement dit. Bien entendu, une gestion prudente suppose que l'entreprise génère assez de trésorerie et n'ait plus recours à des capitaux extérieurs avant d'envisager le paiement de dividendes.

Capacité d'autofinancement

On dit que le bonheur, pour un entrepreneur, c'est de dégager une large capacité d'autofinancement. Cependant, si une entreprise connaît une croissance rapide, chaque centime généré y est réinvesti pour soutenir la croissance, et il ne reste rien à distribuer à l'entrepreneur et aux investisseurs.

Il serait peut-être plus juste de dire que le vrai bonheur pour un entrepreneur, c'est un cash-flow excédentaire - c'est-à-dire que l'entreprise génère un montant de liquidités supérieur à ce que nécessite le soutien d'un taux de croissance optimal.

Cet excédent peut être distribué sous forme de dividendes aux actionnaires, consacré au rachat des parts de ceux qui souhaitent réaliser leur investissement, ou encore conservé dans l'entreprise.

Il ne faut pas chercher plus loin pour comprendre la mine réjouie de Bill Gates. Son entreprise, Microsoft, lancée avec trois sous à la fin des années 70, génère désormais tant d'argent que chaque jour des millions de dollars viennent s'ajouter aux 7 milliards de dollars de son trésor de guerre, tandis que Netscape, son ennemi juré dans la lutte pour la domination du marché des logiciels pour l'Internet, a été obligé, pour la deuxième fois en moins de dix-huit mois, de solliciter sur le marché les fonds dont il avait besoin (96 millions de dollars).

WILLIAM D. BYGRAVE occupe la chaire Frederic C. Hamilton pour la libre entreprise et dirige le Center for Entrepreneurial Studies au Babson College, à Wellesley, dans le Massachusetts.Il est professeur invité à l'Insead et enseigne àl'université de Nottingham. Enseignant et chercheur en entrepreneuriat, il s'intéresse particulièrement au financement des start-up et des entreprises en croissance.

24 février 2005

Le tour de main

VU PAR LE CPA

François Molina croit dans l'adage d'un de ses professeurs : « Ce n'est pas parce qu'on a la recette qu'on a le tour de main. » Pour lui, si l'opportunité constitue l'élément de base, il faut ensuite savoir la mettre en musique. La réussite de Phaselys en est la preuve. L'idée de créer cette société de distribution de produits péri-informatiques lui est venue lorsqu'il était à la tête d'une société de distribution d'informatique industrielle. A l'époque, il lui arrive d'être en contact avec Sony. Le groupe japonais, soucieux de commercialiser ses moniteurs, recherchait des grossistes spécialisés. François Molina comprend alors qu'il a la possibilité de vendre le produit d'un fournisseur de notoriété mondiale.

La recette était là en puissance. Il fallait ensuite la transformer en affaire pérenne. François Molina, quand il fonde Phaselys en 1990, met à profit son expérience de créateur récidiviste pour mettre en confiance Sony. Phaselys se focalise sur son métier de grossiste et sur cette marque. Il s'engage à payer les produits cash, sachant qu'il faut rassurer un fournisseur étranger que les délais trop longs de remboursement inquiètent. Et, pour réduire les besoins financiers, il se fixe pour règle de travailler en flux tendu en ne stockant que l'équivalent de deux semaines de chiffre d'affaires.

Cette stratégie va être fructueuse : porté par la notoriété de Sony, il va intéresser d'autres marques réputées. Phaselys rajoute, un an plus tard, Matrox à son escarcelle. Cette société canadienne cherchait un distributeur pour ses cartes graphiques haut de gamme. François Molina, qui ne souhaite pas devenir un généraliste en matière de produits péri-informatiques, décide alors de jouer sur la complémentarité commerciale entre moniteurs et cartes graphiques. En 1994, c'est le finlandais Nokia qui lui confie la vente de ses moniteurs. Et, depuis <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />1997, l'américain Data General la distribution de ses serveurs Aviion et de ses matrices de stockage Clariion.

Phaselys est aujourd'hui le premier distributeur de produits péri-informatiques des marques Sony, Matrox et Nokia pour le marché français. Les moniteurs représentent 44 % de son chiffre d'affaires (250 millions de francs). Et, en prime, Phaselys bénéficie des retombées des opérations de communication des fabricants sur le marché de la micro-informatique.

24 février 2005

Comment la parcimonie peut mener au profit

Certains entrepreneurs ont du génie pour exploiter au plus bas coût les créneaux porteurs, comme pour rentabiliser leurs ressources, réseaux de relations en tête.

Il était une fois un chef d'entreprise en difficulté. Il avait besoin très rapidement de plusieurs milliers de brochures publicitaires en couleur pour un Salon professionnel vital à son entreprise. Or, jusqu'à présent, le meilleur devis qu'il avait obtenu se montait aux environs de 1.500 dollars, et cette somme, bien qu'acceptable, risquait de mettre à mal ses finances. Qu'allait-il faire ?

La solution lui est arrivée sous la forme d'un chariot élévateur. L'oncle de notre homme, qui dirigeait une petite entreprise dans une zone industrielle, possédait un chariot élévateur qu'un de ses voisins, imprimeur, avait l'habitude d'emprunter. Quelques coups de fil plus tard, notre chef d'entreprise avait ses brochures, à un prix défiant toute concurrence.

Cette anecdote illustre parfaitement les trois qualités essentielles de l'entrepreneur qui réussit : tout d'abord, être parcimonieux en matière de dépenses, ensuite, savoir exploiter à fond toutes les ressources dont on dispose, en particulier ses relations, et, troisièmement, savoir investir son temps et son argent un peu comme se prennent et s'exercent les options financières.

Dépenser avec parcimonie

La plupart des start-up souffrent d'une pénurie chronique de ressources. Il n'est donc pas étonnant que leurs dirigeants essaient en permanence de maîtriser leurs coûts. Néanmoins, les spécialistes de l'entrepreneuriat ont tous remarqué que cette propension à dépenser au minimum pour atteindre un objectif donné ne se limite pas aux seules périodes où la trésorerie est en berne.

Même lorsqu'ils sont financièrement à l'aise, ces entrepreneurs conservent souvent le même comportement économe qui les caractérisait à leurs débuts. Cette maîtrise des dépenses ne semble donc pas être uniquement dictée par la situation, mais plutôt être un principe de base que l'on retrouve dans toutes les opérations couronnées de succès et qui implique avant tout d'utiliser les ressources dont on dispose avec créativité.

Prenons le cas de l'un de nos derniers diplômés qui s'est lancé dans l'import-export entre New York et son pays natal, le Brésil. Sa première difficulté en tant que nouveau venu dans le monde des affaires a été de se rendre crédible aux yeux de ses clients potentiels. S'il se faisait connaître depuis son petit appartement new-yorkais, il avait peu de chances d'inspirer la moindre confiance à des clients qui allaient pourtant devoir lui avancer des sommes considérables s'il voulait réussir. Il lui fallait donc une adresse professionnelle ayant pignon sur rue.

Bien sûr, il aurait pu tout simplement louer des bureaux ou partager un bail commercial. Néanmoins, cette démarche aurait transgressé la première règle de tout économe qui se respecte : ne jamais engager des coûts fixes si on peut l'éviter.

Comment alors contourner les coûts fixes de l'immobilier new-yorkais ? Il s'est souvenu de l'un de ses camarades d'université, du temps de son passage à Columbia, qui avait une adresse prestigieuse, sur la 5e Avenue. Cet ami lui a permis d'emprunter un coin de bureau inoccupé et de recevoir son courrier à cette adresse. Un mois plus tard, il lui a aussi été accordé un téléphone, un fax, plusieurs véhicules de livraison et un secrétariat, tout cela étant bien entendu payé rubis sur l'ongle, mais uniquement sur une base provisoire.

L'intérêt est que les deux parties en ont tiré avantage. L'initiateur du projet a bénéficié d'une adresse géographique enviable, et son hôte était rémunéré pour sa propriété immobilière sous-employée.

Les entreprises traditionnelles ou les grands groupes sont plutôt orientés vers la maximisation du rendement à partir d'une valeur de base actualisée nette, alors que les entrepreneurs sont prêts à sacrifier des surplus potentiels de rendement afin de minimiser les investissements fixes et de maximiser la flexibilité. En conséquence, ils limitent les risques en cas d'échec.

Les entrepreneurs brillants montrent souvent un certain génie à exploiter pleinement la valeur de ressources sous-employées. Ils louent du temps de traitement informatique la nuit, des équipements de laboratoire le week-end, ou se branchent sur des bases de données appartenant à d'autres. Il ne s'agit ici que de quelques exemples de la façon dont ces entrepreneurs dynamiques, qui ont suffisamment de souplesse pour travailler quand les autres se reposent, arrivent à avoir accès à des ressources à un prix nettement inférieur à ceux pratiqués en temps ordinaire.

Ils sont aussi passés maîtres dans l'art de la récupération. Chaque jour, les entreprises mettent au rebut des biens et des ressources de grande valeur. Une de mes anecdotes préférées m'a été racontée par un ancien collègue de <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />la Wharton School à l'université de Pennsylvanie, Ed Moldt.

Quand la technologie informatique est passée de données stockées et saisies sur cartes perforées aux mémoires magnétiques, les entreprises ont commencé à fermer leurs services de lecture de cartes et à jeter leur équipement. Ils étaient tellement pressés de se débarrasser de leurs lecteurs de cartes que non seulement ils ne cherchaient pas à les vendre, mais ils étaient mêmes prêts à payer pour qu'on les emporte.

Ed Moldt s'est rapidement rendu compte que le passage d'une technologie à une autre n'allait pas se faire du jour au lendemain et que les entreprises prêtes à exploiter la mémoire magnétique continueraient même à avoir besoin de lecteurs de cartes pendant un certain temps. Il s'est donc tranquillement mis à stocker des lecteurs de cartes perforées.

Comme il l'avait espéré, la demande de lecture de cartes perforées ne s'est pas tarie soudainement, mais, étant donné qu'il n'y avait presque plus de fournisseurs capables de la satisfaire, il s'est retrouvé en situation de quasi-monopole. Il convient de remarquer que nous sommes ici en présence d'un cas extrême de parcimonie : non seulement il n'a pas eu à dépenser un sou de son capital pour acheter ses équipements, mais on l'a même payé pour qu'il les prenne.

Cette philosophie s'applique aussi bien aux ressources matérielles qu'à l'utilisation du talent humain. Les commerciaux, par exemple, sont généreusement payés, mais toujours à la commission et non en salaire. De même, plutôt que d'employer des consultants hors de prix pour faire des études de marché ou émettre des propositions, il vaut mieux, selon eux, faire appel aux amis, à la famille, ou parrainer des étudiants sur un projet. Le grand principe est toujours d'attendre que l'argent rentre avant de s'autoriser des dépenses substantielles.

La charte morale de toute entreprise parcimonieuse a été résumée par Ian Macmillan, le directeur du célèbre Snider Entrepreneurial Center de Wharton, il y a quelques années :

- ne jamais acheter neuf ce que l'on peut acheter d'occasion ;

- ne jamais acheter ce que l'on peut louer ;

- ne jamais louer ce que l'on peut emprunter ;

- ne jamais emprunter ce dont on peut vous faire l'aumône ;

- ne jamais demander l'aumône de ce que l'on peut récupérer gratuitement.

Capitaliser ses relations

Tout en étant très pointilleux sur la façon dont ils investissent leur argent, les entrepreneurs gagnants sont aussi passés maîtres dans l'exploitation de leurs relations sociales pour en tirer le meilleur parti. Ils travaillent souvent en réseau, sans relâche, avec dynamisme et constance.

Prenons l'exemple de Per Lovgren, un Suédois, créateur de nombreuses entreprises fondées sur sa connaissance approfondie de la CFAO, et voyons comment il repère les créneaux porteurs.

Son plus mauvais retour sur investissement se monte aux environs de 500 %, ce qui donne une idée de l'ampleur de sa réussite.

Lovgren voyage énormément et, lors de ses déplacements, il invite souvent à dîner plusieurs membres de son réseau de consultants en management. Il est toujours prêt à payer l'addition de ces soirées de détente, mais, en contrepartie, les consultants savent que Per Lovgren tient à ce qu'on lui expose les problèmes que rencontrent leurs clients, et qui appellent une éventuelle solution technique.

Un jour, par exemple, un consultant lui a longuement exposé les difficultés de recrutement des propriétaires de fonderies en Europe du Nord. Il s'agit d'usines sales, où il fait très chaud, où le travail s'effectue dans des conditions pénibles et où il devient donc de plus en plus difficile de trouver des ouvriers. Une solution logique serait l'automatisation maximale, expliquait le consultant, mais, malheureusement, les robots supportent mal aussi un tel environnement. La suie, les poussières et la chaleur viennent rapidement enrayer leur fonctionnement.

Lovgren s'est donc immédiatement mis à la recherche d'un « robot robuste » qui soit technologiquement viable. Pour cela, il s'est tourné vers un second réseau, comprenant des ingénieurs. Le lendemain, à l'heure du petit déjeuner, un ingénieur spécialisé a évalué le problème, déclaré que la technologie n'était pas en cause et proposé de construire un prototype pour un budget d'environ 300.000 dollars. Lovgren aurait alors facilement pu lui faire un chèque pour lancer le projet. Mais attention ! Cela aurait transgressé la règle de parcimonie.

Lovgren a donc eu recours à son réseau de consultants pour contacter leurs collègues spécialisés en fonderie. Par leur biais, il a réussi à convaincre chaque directeur de fonderie de contribuer financièrement à la réalisation du prototype.

Cela lui a permis non seulement de ne pas sortir un sou de sa poche, mais aussi d'être sûr que le prototype serait bien accepté dès sa création et que le produit final serait ensuite installé dans un grand nombre de fonderies.

Autrement dit, l'appartenance à des réseaux permet de créer un capital de relations, qui, tout comme le capital financier, peut être transformé en ressources productives.

Similitudes avec les options

Enfin, dernière observation sur les stratégies entrepreneuriales d'acquisition de ressources : elles sont très semblables à l'exercice d'options. Dans le domaine financier, les contrats d'option n'exigent que l'investissement d'une somme réduite sur un produit potentiellement intéressant, qui permet (sans engagement ferme) d'acquérir ultérieurement ce produit le cas échéant.

Les options offrent donc un accès peu risqué à diverses opportunités, à un coût relativement bas. Dans la gestion quotidienne de leurs affaires, les entrepreneurs dynamiques ont tendance à adopter une démarche d'investissement identique.

En développant leur capital de relations sociales, ils établissent les fondations d'un réseau de collecte d'informations leur permettant d'être à terme au courant de tous les créneaux éventuels. Ils peuvent ensuite mobiliser leurs réseaux pour se doter des ressources nécessaires au coût minimal et valider ensuite leur intuition de départ.

Dans les faits, cela se traduit par un engagement de plus en plus ferme au fur et à mesure que les informations se précisent. Si, à un moment donné, les indicateurs signalent que l'affaire pressentie n'est pas viable, l'entrepreneur peut tout simplement s'en dégager et se tourner vers d'autres champs d'investigation sans avoir à encaisser une lourde perte en termes d'investissements en usines ou en équipements.

Le principe des options nous aide à comprendre comment une gestion parcimonieuse et un capital de relations sociales peuvent contribuer à créer de la richesse. Si l'on acquiert des biens progressivement, avec le moins d'investissements possible, le risque de perte financière en cas d'échec est, lui aussi, minimisé, comme dans le cas des options.

Seul quelqu'un comme Lovgren, avec un accès simultané aux personnes ayant identifié la source du problème (les consultants), aux personnes ayant les compétences technologiques (les ingénieurs) et à celles capables d'assurer le financement (les directeurs de fonderie), pouvait démarrer cette activité.

Et seule une personne de l'habileté de Lovgren pouvait se permettre de s'assurer un tel rendement à partir d'un investissement quasi nul. Grâce à ses qualités, il a pu à la fois créer une entreprise rentable à partir d'un problème de main-d'oeuvre somme toute ordinaire, tout en empêchant ses concurrents de copier sa réussite.

En résumé, nous n'observons pas seulement chez les entrepreneurs gagnants l'inspiration soudaine et la grâce tombée du ciel, mais plutôt une façon opiniâtre et volontaire d'appliquer toute une série de principes de base permettant d'obtenir un rendement maximal à partir d'un investissement minimal.

RITA GUNTHER MCGRATH est maître auxiliaire au sein du département organisations du management de la Columbia Business School, à New York. Ses recherches portent sur la façon dont l'innovation et l'exploitation des créneaux potentiels peuvent apporter un avantage concurrentiel.

24 février 2005

Construire une plate-forme de lancement efficace

Les stratégies classiques d'entrée sur les marchés ont vécu. Dans un environnement mouvant, les nouvelles entreprises disposent d'atouts.

Le lancement de nouveaux produits est-il plus difficile ou plus facile aujourd'hui qu'il y a dix ou vingt ans ? Posez cette question à n'importe quel chef de produit d'une grande entreprise de biens de consommation et il vous répondra certainement : « plus difficile ».

Parmi les raisons avancées, on retrouvera, bien entendu, les coupables habituels : l'intensification de la concurrence, des consommateurs à la fois plus exigeants et moins fidèles, des cycles de vie du produit continuellement réduits et des distributeurs de plus en plus puissants.

L'expérience montre que la plupart des nouveaux produits, quels que soient leurs marchés, tombent dans l'oubli. Parfois même, comme dans le secteur des logiciels au cours des années 80, le taux de déchet a atteint les 90 %.

Ce problème est aggravé par la demande accrue d'innovation, provoquée à la fois par l'évolution rapide des goûts et des comportements des consommateurs et par les possibilités, sans cesse renouvelées, offertes par les améliorations et les découvertes technologiques.

Comme les conditions du marché sont très dures pour les entreprises déjà installées, on pourrait supposer que les choses sont pires encore pour les nouveaux venus, surtout pour les start-up. Ce n'est vrai qu'en partie.

Par rapport aux entreprises existantes, les nouvelles venues disposent en général de moins de ressources - quelles qu'elles soient, elles ne bénéficient que de fragiles réseaux embryonnaires et doivent établir des rapports de confiance avec leurs clients et leurs fournisseurs. Le risque inhérent est donc plus grand. Mais elles possèdent aussi des actifs intangibles qui ne figurent pas au bilan. La vitesse, c'est-à-dire la réactivité, et une grande flexibilité, par exemple ; des dirigeants ambitieux ; enfin, l'absence, pour ces entreprises, d'un lourd passé.

La gestion du risque

L'un des points clefs de L'Art d'Entreprendre concerne la gestion des risques. Pour les entreprises nouvellement créées, la grande incertitude porte souvent sur leur mode de démarrage. Pour éclairer les choix qui leur sont offerts, il est important d'examiner comment les grandes entreprises ont géré les risques traditionnellement associés à l'entrée sur un nouveau marché ou au lancement d'un nouveau produit.

Auparavant, pour les grandes entreprises, l'expansion géographique s'effectuait selon un schéma précis : elles faisaient appel à des importateurs, puis, une fois la demande bien établie, une filiale était soit créée, soit achetée. Quand le marché était prêt, les opérations à l'étranger se développaient par le biais d'un transfert de technologie lié à un produit ou à un process entre la société mère et sa filiale.

Le lancement d'un nouveau produit, ou l'entrée sur un nouveau secteur d'activité, suivait aussi des principes très stricts. Les grands du marché des biens de consommation s'intéressaient à des produits pouvant être vendus en masse, et non à des articles très spécialisés sur un petit créneau. Le cycle de planification, test et lancement était très complet, assorti d'études de marché approfondies tant quantitatives que qualitatives. La décision finale de lancement dépendait normalement du passage réussi sur « un marché pilote », permettant d'en déduire les performances attendues sur le marché national.

Enfin, une fois l'essai transformé, l'entreprise dégageait des ressources importantes pour la campagne publicitaire, la force de vente et les actions de marketing, afin de minimiser les risques d'échec.

Du coup, le temps écoulé entre la conception du produit et le lancement en bonne et due forme se mesurait en mois, voire en années. Mais ce délai était acceptable, car la conjoncture laissait escompter une augmentation continue de la demande des consommateurs, et tous les acteurs du marché jouaient selon les mêmes règles. Ce schéma illustre parfaitement les vingt-cinq années qui ont suivi <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />la Seconde Guerre mondiale.

Aujourd'hui, peu de marchés (du moins dans le monde industrialisé) obéissent encore à ce modèle. Les marchés en croissance sont souvent turbulents et les prévisions y sont difficiles. Les marchés statiques, comme les marchés matures de biens de consommation (par exemple les lessives ou les produits de beauté de grande diffusion), peuvent encore présenter des créneaux porteurs, mais ils sont généralement le champ de bataille de quelques concurrents dominants.

Cette évolution a contraint les grandes entreprises à repenser leurs politiques d'innovation et de lancement de produits. Une longue période de commercialisation, où l'innovation passe de la recherche au développement, puis au marketing, comme un témoin dans une course de relais, est trop lente. Dans de nombreux marchés, on risque de rater l'étroite fenêtre d'opportunité. D'un autre côté, essayer de réduire au minimum le délai de mise sur le marché présente des dangers, comme l'ont récemment montré les mésaventures d'Unilever avec Omo Power (Persil au Royaume-Uni).

Ensuite, le déploiement d'une gigantesque puissance de feu n'est pas non plus une garantie de succès. Le PC Jr d'IBM ou le Disk Camera de Kodak ne sont que deux exemples d'échec de nouveaux produits, pourtant lancés à coups de millions de dollars.

Chaîne de valeur

En période de conjoncture turbulente, les risques du marché sont étroitement liés à la dynamique de l'approvisionnement, ou chaîne de valeur. Dans tous les secteurs, on retrouve une séquence de transactions intervenant entre les producteurs des matières premières et les consommateurs. Cette chaîne peut être complexe, comme dans la plupart des activités industrielles, ou très simple, comme c'est généralement le cas dans les services.

Pour réussir, la nouvelle entreprise doit créer une valeur pour laquelle le consommateur est prêt à payer. A chaque maillon de la chaîne, on ajoute de la valeur, et la rentabilité et le pouvoir relatif exercés dans la chaîne varient selon les participants. La décision d'entrée sur un marché est étroitement liée à la position occupée au sein de la chaîne de valeur par la nouvelle entreprise.

Sur des marchés dynamiques, l'opportunité résulte soit de changements dans la chaîne de valeur, soit de la capacité à créer des changements dans cette chaîne. Prenons deux exemples : tout d'abord dans le secteur de l'alimentation.

Il y a trente ans, pour créer et faire vivre une marque alimentaire nationale, il fallait pouvoir satisfaire à un certain nombre de critères. Le fabricant devait pouvoir approvisionner des milliers de petits distributeurs, donc s'occuper d'une facturation complexe et gérer de nombreux comptes. Il devait aussi lancer et soutenir des campagnes de publicité nationales, renforcées par des promotions sur les lieux de vente ou par des distributions locales de coupons de réduction.

Pour plus d'efficacité, les grandes entreprises ont alors cherché à intégrer leurs activités tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Elles ont signé des contrats à long terme avec leurs fournisseurs, géré des flottes de camions et de camionnettes de livraison et administré un réseau national d'entrepôts régionaux et locaux.

Les entreprises de moindre envergure ont fait appel à des intermédiaires, comme des grossistes ou des courtiers, qui pouvaient de leur côté bénéficier d'économies d'échelle en cumulant des catégories de produits et en vendant au détail le plus en aval possible de la chaîne de distribution.

Maintenant, passons aux années 90. Aujourd'hui, un petit fabricant agroalimentaire peut bénéficier d'une pénétration nationale en signant un contrat avec un grand distributeur national. Les livraisons sont sous-traitées et ne représentent souvent qu'une ou deux grosses livraisons par semaine à l'entrepôt central du distributeur. Plus besoin de se lancer dans des campagnes de publicité faramineuses puisque le distributeur vend maintenant l'aliment sous sa marque (voir figures 1 et 2 illustrant la modification des chaînes d'approvisionnement-chaînes de valeur).

Cette transformation résulte de l'évolution du rapport de forces entre fabricants et distributeurs qui est intervenue au fur et à mesure de la concentration du pouvoir aux mains de quelques-uns dans l'agroalimentaire. A l'heure actuelle, même les fabricants ayant une marque connue et établie se sentent menacés et soulignent que le consommateur risque d'être perdant, car son choix sera plus limité.

Mais, en contrepartie, des centaines de nouveaux fournisseurs ont maintenant l'opportunité de se lancer, du fait de la transformation de la chaîne de valeur.

Le second exemple illustre comment de nouvelles activités entreprenantes génèrent des opportunités sur le marché en utilisant le potentiel créé par l'évolution des comportements sociaux.

La vente par correspondance est née au XIXe siècle. Au Royaume-Uni, elle servait principalement aux plus démunis, qui pouvaient profiter de crédits peu onéreux pour acheter des vêtements. Jusqu'à la fin des années 80, les dépenses de vente par correspondance des groupes socio-économiques aisés, dits ABC1, étaient très minimes. Puis les choses ont changé. Les classes moyennes ont commencé à se faire à l'idée d'acheter sur catalogue.

De grandes sociétés américaines, comme Lands End ou LL Bean, se sont lancées sur le marché britannique. Les spécialistes traditionnels de la vente par correspondance sont montés d'un cran dans la gamme, et de nouvelles entreprises, comme Cotton Traders, Racing Green ou Boden, se sont rapidement approprié certains créneaux bien délimités. Cette modification des comportements sociaux a abaissé les barrières à l'entrée. Il était désormais possible de démarrer dans la distribution sans avoir à investir lourdement dans une boutique ayant pignon sur rue.

Les entreprises de VPC ont été aidées par le développement des bases de données informatisées peu coûteuses et par l'adoption rapide des cartes de crédit. A la fin des années 90, un nombre croissant de nouvelles entreprises se lanceront dans le marketing direct, ou dans l'achat depuis le domicile, par le biais de l'équivalent électronique du catalogue imprimé qu'est le site Web sur l'Internet.

Partage des risques

La chaîne de valeur et la gestion des risques peuvent être habilement combinées dans une matrice permettant d'étudier les stratégies d'entrée sur le marché. Etant donné que chaque nouvelle entreprise occupe une position donnée dans la chaîne de valeur, un choix s'impose pour déterminer tout d'abord dans quelle mesure elle accepte le risque commercial et comment ce risque est partagé avec les autres acteurs de la chaîne.

Le risque est très différemment partagé selon les secteurs et les entreprises. A un extrême, on trouve des entreprises comme les laboratoires de biotechnologie dont les découvertes font généralement l'objet de licences que l'industrie pharmaceutique exploite ensuite sous la forme de nouveaux médicaments. Comme le ferait un auteur, ce type d'entreprise vit des droits générés par la vente de sa propriété intellectuelle, alors que le risque d'amener la découverte sur le marché est principalement supporté par l'acheteur de la licence.

A un autre extrême, on trouve les entreprises qui vendent directement au marché et qui se positionnent au bout de la chaîne de valeur, comme les sociétés de VPC. Entre les deux se situent toutes les configurations de partage du risque : agences, grossistes, franchises, etc.

L'accès au marché, quant à lui, recouvre également une gamme très étendue, allant d'une relation immédiate avec le client final tel qu'on la connaît dans les entreprises de vente directe à la distance séparant le biotechnologiste de l'acheteur du médicament.

Comme le montre la figure 3, la facilité d'entrée sur le marché est généralement inversement proportionnelle au degré de partage du risque. Remarquez que nous ne parlons pas ici de risque absolu : s'il est essentiel, pour saisir l'occasion lorsqu'elle se présente, de pouvoir réagir rapidement aux demandes des clients - comme dans le secteur de la mode -, prendre entièrement à sa charge le risque commercial peut finalement se révéler moins dangereux que de s'en décharger sur un intermédiaire dont le contact avec la clientèle est filtré. A l'inverse, s'il n'y a aucun intérêt dans la structure du marché à établir une relation de proximité avec l'acheteur final, la vente directe risque de ne présenter aucun avantage.

De même, nous décrivons ici des stratégies d'entrée et non pas la démarche adoptée par une entreprise sur le long terme. Il est difficile d'envisager comment une entreprise peut utiliser directement le fonctionnement en franchise (dans le cas de l'impression immédiate de documents, par exemple) dès l'entrée sur un marché, étant donné que ce concept doit être testé et mis en route avant qu'il ne puisse être « répliqué ».

Prototypage et flexibilité

La sélection du schéma approprié de partage du risque est une décision stratégique. Le risque commercial peut aussi être géré de manière opérationnelle, en étudiant la façon dont la nouvelle entreprise compte s'attaquer au marché.

Les créations d'entreprises doivent absolument se concentrer sur un aspect essentiel de l'innovation, à savoir le prototypage. Ce terme nous vient des bureaux d'études, mais il peut s'appliquer à toutes les créations. Une affaire de restauration peut être prototypée sous un format que ses dirigeants, au moins, reconnaissent comme étant provisoire et qui pourra par la suite être modifié selon les réactions du marché. Il en va de même des services.

Ce concept est extrêmement utile, car :

* Le prototypage est un moyen de maîtriser les risques, en limitant l'engagement de ressources, ce qui est essentiel sur des marchés très incertains, comme les secteurs à haute technologie, où la demande des clients et le potentiel du marché peuvent difficilement être connus, voire estimés, avant la pénétration.

* Le prototypage permet à la nouvelle entreprise de tester la robustesse de son concept de produit ou de service, souvent en donnant à des clients ciblés accès au produit avant son lancement. L'industrie du logiciel a couramment recours à cette pratique ; tout nouveau logiciel est systématiquement testé par des clients triés sur le volet (qui bénéficient ainsi d'un accès privilégié), avant le lancement en tant que tel.

L'un des plus grands clubs de remise en forme du Royaume-Uni a adopté cette démarche. Alors que le club était encore en construction, les résidents de la ville ont été invités à visiter le site. On leur a montré les plans du club et on leur a demandé de faire des remarques. Plusieurs de leurs suggestions ont été intégrées à la réalisation finale. Le club a ainsi aussi pu collecter une base de données très utile sur ses clients potentiels.

* Le prototypage stimule la flexibilité et l'aptitude à réagir aux demandes des clients. Certaines nouvelles entreprises se lancent avec l'avantage d'un carnet de commandes bien fourni. Cette première vague de clients composera sans doute la clientèle de base, à moyen et à long terme. Son produit ou service initial constituera aussi son métier principal. Mais il se peut également que ces deux conditions ne s'appliquent pas et que, très rapidement, l'entreprise cherche à attirer de nouveaux clients et à développer de nouveaux produits si elle veut croître et prospérer.

* Souvent, dans les nouvelles entreprises, les méthodes d'études de marché classiques ne conviennent pas. Les coûts demandés par les professionnels des études de ce type sont parfois rédhibitoires. Mais l'obstacle principal réside surtout dans le concept même du produit-service. Si la demande est latente (ou du moins censée l'être), la seule façon de prouver qu'elle existe bel et bien est de tester le marché en proposant une version préliminaire du concept, tout en étant conscient que celui-ci pourrait bien évoluer après un premier contact avec les utilisateurs.

Commercialisation

La commercialisation progressive va de pair avec le prototypage. Les modes d'innovation traditionnels sont fondés sur une séparation nette entre développement et lancement. A un point de développement donné, le processus sera arrêté une fois pour toutes, et le produit fini sera lancé sur le marché.

Très clairement, dans les entreprises industrielles (à moins qu'elles ne fabriquent que des produits sur mesure), il faut, à un moment donné, lancer la fabrication en série des produits selon des spécifications bien arrêtées. Néanmoins, même le développement traditionnel de nouveaux produits comprend un élément de commercialisation progressive, sous la forme d'essais pilotes. Cette procédure permet aux entreprises de modifier leurs produits, soit dans leur forme physique, soit dans leur mode de commercialisation, avant le lancement proprement dit.

En revanche, dans le cas des créations d'entreprises, il est souvent préjudiciable d'essayer de faire du développement et du lancement deux procédures bien distinctes. Tout d'abord, comme c'est le cas pour toutes nos économies, la plupart des start-up porteront sur des services au moins autant que sur des produits.

Or la doctrine de marketing énonce que, pour vendre un service, il faut l'assimiler, dans la mesure du possible, à un produit. Mais la force des entreprises de services est qu'elles peuvent être rapidement modifiées pour répondre aux demandes du marché. Une fois prêtes à entrer sur un marché, les start-up doivent savoir exploiter cet avantage inhérent et éviter de se doter de rigidités inutiles, avant même d'obtenir le moindre retour d'information de leurs clients.

DAVID MOLIAN enseigne le marketing et l'entrepreneurship à l'Imperial College Management School, à Londres. Ses recherches portent sur le marketing général, le marketing appliqué aux start-up et le marketing de l'innovation. Il est associé à Euro Group Consulting, un cabinet de conseil spécialisé dans la restructuration d'entreprises dans le cadre du marché unique.

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24 février 2005

Attirer la mise des investisseurs

Avant de parier sur le projet présenté par un entrepreneur, les investisseurs recueillent le maximum d'informations possible et passent le business plan au crible. La quête de fonds est à bien préparer.

PETER KELLY

Quels que soient le cheval (le produit), la course (le marché), ou la cote (les critères financiers), c'est la qualité du jockey (l'entrepreneur) qui sera l'élément déterminant dans la décision de parier des sociétés de capital-risque » (professeur Ian MacMillan, Wharton).

Tout « parieur » avéré vous dira que deux facteurs sont incontournables lorsqu'on essaye de présupposer du résultat d'une course. Premièrement, aucun pronostic n'équivaut à une certitude et, deuxièmement, « le choix gagnant » comporte forcément une part de chance.

Cela étant, avant de parier, les joueurs confirmés recueillent autant d'informations que possible sur la condition du cheval, le terrain et le jockey, avec l'espoir que cela augmentera leurs chances de succès.

L'analogie des courses de chevaux vaut aussi pour le monde du capital-risque. Tout « investisseur » expérimenté vous expliquera que deux facteurs influent également sur le choix des sociétés à soutenir.

Tout d'abord, seule certitude, les projections sur lesquelles se fonde une décision d'investissement sont « erronées ». Les investisseurs, tout comme les entrepreneurs, espèrent que la performance de l'entreprise excédera celle des prévisions. Toutefois, la loi de Murphy se confirme souvent dans les faits, et, quels que soient les problèmes rencontrés, le projet prend inévitablement plus longtemps que prévu à se développer.

Ensuite, le choix du moment et la chance peuvent influencer - c'est d'ailleurs souvent le cas - le niveau de rendement obtenu par les investisseurs.

Les sociétés de capital-risque font des « paris éclairés » sur la base d'informations présentées dans le business plan qui expose le type d'opportunité, la stratégie développée pour l'exploiter de façon rentable et durable ainsi qu'un descriptif de l'équipe dirigeante.

Avant de s'engager, les investisseurs chercheront des informations complémentaires afin d'être certains que :

- tous les éléments du plan « se tiennent » ;

- les risques pertinents ont été identifiés et comptabilisés lorsque c'est possible ;

- les perspectives de retour offertes compensent convenablement les risques pris, aussi bien par les investisseurs que par le créateur d'entreprise ;

- et, élément déterminant, l'équipe dirigeante a les compétences, la motivation et l'ambition de réussir, notamment face aux écueils inévitables associés à la création et à la gestion d'entreprise.

Les investisseurs partent de l'hypothèse qu'en recueillant des informations supplémentaires ils seront plus à même d'identifier les « gagnants ».

Un entrepreneur qui cherche des capitaux extérieurs auprès de sociétés de capital-risque ou de particuliers (appelés aussi « business angels ») doit comprendre les critères utilisés par les investisseurs pour évaluer les créneaux d'investissement potentiels.

Les investisseurs ressemblent sur bien des points aux chercheurs d'or de l'époque de la ruée vers l'or. Ceux-ci passaient un temps et une énergie considérables à tamiser le limon et les graviers des rivières à la recherche de pépites. De même, les investisseurs passent au crible un grand nombre d'opportunités potentielles afin d'identifier celles qui méritent une étude plus approfondie.

La plupart des projets, en général 80 % ou davantage, sont refusés après un examen rapide du business plan. Même lorsqu'un investisseur décide d'étudier une proposition dans le détail, cela ne veut pas dire qu'elle sera acceptée, car un nombre infime de projets est financé.

Comment les investisseurs choisissent-ils les opérations qu'ils financent ? Les sociétés de capital-risque et les investisseurs privés ont tendance à utiliser des mécanismes de prise de décision semblables. Toutefois, les deux marchés fonctionnent de façon sensiblement distincte et il est donc utile de décrire chacune de leurs approches. (Le marché des investissements privés sera décrit en détail dans le cahier 3.)

La perspective capital-risque

En général, les sociétés de capital-risque évaluent les propositions sur la base d'un certain nombre de critères génériques, dont :

- la somme minimale qu'elles sont prêtes à investir (d'habitude plus de 1 million de livres au Royaume-Uni) ;

- les secteurs qu'elles sont prêtes à soutenir ;

- le stade de développement de l'opération (conception, start-up, expansion) ;

- les zones géographiques visées pour les activités de l'entreprise.

Il est important que ceux qui cherchent des capitaux identifient la « bonne » société de capital-risque, en s'assurant, autant que faire se peut, que leurs propositions correspondent au profil de l'investisseur. Dans de nombreux pays, les associations de sociétés de capital-risque publient des annuaires qui fournissent des contacts et des informations spécifiques sur les financements.

On constate un changement de tendance dans le secteur du capital-risque : désormais, il semble moins s'intéresser aux petits investissements (moins de <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />500.000 livres) dans les opérations à un stade précoce de développement qu'au financement de transactions plus importantes de management buy-in (ou MBI, acquisition de l'entreprise par une équipe de direction extérieure) et de management buy-out (ou MBO, rachat de l'entreprise par le management en place) concernant des entreprises confirmées.

Cela étant, une poignée de sociétés se consacrent exclusivement à de petits projets de démarrage, et d'autres acteurs principaux sur le marché, comme 3i au Royaume-Uni, continuent à investir dans de telles opérations.

Il n'est donc pas impossible pour les entrepreneurs à la recherche d'injections modestes de capitaux pour financer leur développement précoce d'obtenir des fonds auprès de sociétés de capital-risque, mais leur chance d'y parvenir est extrêmement faible.

Même si votre projet répond aux critères généraux de première sélection, il revient néanmoins aux sociétés de capital-risque la tâche difficile de séparer « le bon grain de l'ivraie ». A ce stade, elles vont rapidement passer en revue le business plan en examinant plus particulièrement certains aspects, à savoir :

- le type d'opportunité ;

- la taille potentielle du marché ;

- la stratégie proposée pour l'exploiter.

Si l'investisseur estime qu'il n'y a pas véritablement de créneau porteur, que les projections de croissance commerciale ne sont pas réalistes et/ou qu'il n'existe pas de base sur laquelle établir une position concurrentielle rentable et durable, le projet sera probablement refusé.

En un mot, les investisseurs s'intéressent aux quelques plans qui correspondent à leurs critères d'investissement, qui sont bien pensés et qui offrent des perspectives de retour sur investissement annuel composé allant de 30 % pour les MBO à 50 % ou plus pour les investissements de lancement.

Dans la minorité des cas où une enquête complémentaire est requise, les sociétés de capital-risque passeront beaucoup de temps à consulter des sources d'information internes et externes sur certains aspects clefs du plan. Elles interrogeront des clients potentiels, des fournisseurs, des juristes spécialisés dans les brevets, des experts en technologie, etc. Les sociétés testeront également la viabilité financière du plan.

Au cours de cette phase, le « facteur capacité de management » revêt une importance accrue. Des représentants de la société rencontrent l'équipe dirigeante à intervalles réguliers. Outre la possibilité de poser des questions sur des éléments particuliers du plan, ces contacts réguliers permettent aux investisseurs d'avoir une compréhension plus fine des vraies compétences de l'équipe, de la capacité des collaborateurs à travailler en équipe et de leur degré d'engagement. Tester la réactivité du management face aux inévitables retards et défis inhérents à la création d'une entreprise est un facteur décisif dans la décision finale de financement. Les informations supplémentaires obtenues permettent de procéder à une sélection encore plus stricte des propositions, et, au terme du processus, une société de capital-risque « typique » n'investira que dans deux ou trois projets sur cent reçus.

Les investisseurs privés

Les investisseurs privés utilisent la même démarche pour décider des projets à soutenir. Toutefois, à la différence des sociétés de capital-risque, qui ont pignon sur rue, les particuliers préfèrent garder un certain degré d'anonymat, aussi bien pour maîtriser leur volume d'affaires que pour protéger des informations personnelles sensibles liées à leurs activités d'investissement. Pour les entreprises cherchant des capitaux privés, trouver le « bon » investisseur relève forcément du hasard.

D'après nos discussions avec des investisseurs privés, les opportunités potentielles sont sélectionnées selon leur taille, le lieu d'implantation et les besoins de l'opération. En général, ils investissent :

- des sommes moins importantes que les sociétés de capital-risque (habituellement entre 5.000 livres et 500.000 livres au Royaume-Uni) ;

- dans des opérations implantées non loin de leur base d'activités ;

- et souvent dans des secteurs où l'entreprise peut bénéficier directement de l'expertise de l'investisseur.

La plupart des investisseurs privés ont une expérience de dirigeant dans le domaine de la nouvelle entreprise et sont prêts à soutenir des propositions prometteuses dans des secteurs variés, notamment s'ils choisissent d'investir au sein d'un consortium d'investisseurs.

Les entrepreneurs à la recherche de capitaux privés doivent savoir précisément ce qu'ils attendent de leur investisseur et doivent de préférence démarcher dans leur voisinage.

Au fur et à mesure du déroulement des tractations, la qualité de l'entrepreneur-équipe dirigeante joue un rôle croissant. Etant donné que la mise sur pied du projet se fait en étroite collaboration, une bonne entente entre l'investisseur et le management est primordial. Pour citer un investisseur : « Qu'importe la valeur du créneau, si je ne m'entends pas avec les personnes, l'affaire ne se fait pas ! »

24 février 2005

Mettre toutes les chances de son côté

Toute idée ne vaut pas la peine d'être commercialisée. Avant de se lancer, il est primordial d'évaluer ses propres forces et le potentiel du créneau repéré.

Dans le monde des affaires, de nouvelles opportunités se présentent tous les jours. Il suffit de se promener dans une rue commerçante pour constater l'ouverture de nouveaux magasins, de parcourir un supermarché pour tester de nouveaux produits, d'acheter un magazine informatique pour trouver le dernier logiciel sorti et de consulter son quotidien local pour trouver à peu près tous les services dont on a besoin. Vous vous direz même parfois que vous avez eu cette idée en premier, mais que, faute de temps ou de volonté, vous ne l'avez pas exploitée. Après tout, qu'y a-t-il de si original dans l'idée d'une chaîne de restauration rapide, d'un nouveau label de disques, d'une nouvelle maison d'édition spécialisée, d'une société d'expertise comptable offrant des services personnalisés aux petites entreprises, ou d'un ordinateur encore plus petit que ceux actuellement sur le marché ? Cela paraît facile.

Pourtant, il suffit de voir le rythme auquel ces mêmes magasins ferment, le nombre d'inventions qui ne se vendent pas, ou la durée de vie des nouveaux produits ou services pour comprendre que trop souvent les gens se trompent, au prix d'efforts financiers et personnels considérables. Quelle est la raison de ces échecs ? Plusieurs facteurs sont en cause.

Dans une étude récente, on a demandé à 486 banquiers et auditeurs quelles étaient, selon eux, les causes des échecs de leurs clients (voir tableau 1). Les personnes interrogées devaient également répondre à la question suivante : « Aurait-on pu éviter la faillite ? » Les deux tiers ont répondu par l'affirmative. Selon eux, nombre d'entreprises avaient été lancées avec un concept commercial mal développé et un manque d'organisation. Autrement dit, le créneau n'avait pas été correctement jaugé.

L'évaluation des opportunités est un processus continu de collecte d'information, d'ajustement du projet et de reformulation du concept. La plupart des créateurs d'entreprise vous diront que l'activité qui a finalement vu le jour n'avait plus grand-chose à voir avec leur projet initial.

Le potentiel du marché

Le marché constitue le point de départ, car, sans clients désireux d'acheter le produit, le projet n'a pas d'avenir. Malheureusement, explorer un marché peut se révéler compliqué. Comment le définir ? En existe-t-il plus d'un ? Quelle est sa taille ? Quel est son potentiel de clients ? Où se trouvent-ils ? Possédez-vous une technologie porteuse d'applications multiples ? (Voir tableau 2.)

Plus important, existe-t-il un réel besoin et a-t-il déjà été reconnu ? A ce stade, vous devriez déjà avoir cerné les principaux écueils.

Il est très facile également de croire que, si vous souhaitez avoir tel produit ou service, les autres sont demandeurs aussi. Vous seriez ainsi ravi qu'on vous livre vos courses à 18 h 30 le vendredi soir - et l'Internet vous permet de passer commande. Mais combien de personnes dans votre rue ou votre quartier ont-elles accès à l'Internet, combien d'entre elles pourraient être convaincues de modifier leur comportement d'achat et combien sont-elles prêtes à payer pour ce service ?

Le marché potentiel peut se révéler important, mais quel pourcentage de clients pensez-vous pouvoir persuader d'acheter votre produit ? En effet, qui sont vos clients ?

Nous achetons tous de la lessive au supermarché, mais nous ne décidons pas des marques en vente sur les rayons. C'est le rôle de l'acheteur du supermarché, qui préfère peut-être traiter avec de gros fournisseurs proposant une large gamme de produits fiables plutôt qu'avec une nouvelle entreprise offrant un produit qui n'a pas encore fait ses preuves.

Autrement dit, il faut réfléchir aux façons d'aborder le marché et aux barrières éventuelles. Bien évidemment, il faut faire attention à la concurrence et à ses réactions probables à votre entrée sur le marché. Par exemple, va-t-elle réduire ses prix, augmenter son effort publicitaire ou développer un produit similaire pour vous évincer ?

La réaction de vos concurrents dépendra en partie de la menace que vous représenterez, ce qui est souvent fonction de la taille de votre entreprise et de votre part de marché. Plus la concurrence est diversifiée et plus la part de marché que vous ciblez est petite, plus grandes seront vos chances de réussite.

Comment évaluer la situation ? Vous n'avez pas besoin d'investir dans de coûteuses études de marché - même si cela apparaît nécessaire plus tard - et il suffit de vous poser quelques questions de bon sens. En d'autres termes, faites un premier sondage pour voir s'il convient de passer davantage de temps à effectuer une étude de marché plus approfondie. A ce stade, vous tentez de « faire la preuve de votre concept ».

Si vous cherchez à obtenir des fonds, on s'attendra certainement à ce que vous soyez à même de répondre à ces questions et à bien d'autres encore. Les investisseurs doivent être convaincus que vous comprenez les tenants et les aboutissants de votre marché et que vous êtes réaliste quant à vos chances de réussite. Toutefois, au bout du compte, les noms des clients et la valeur des commandes comptent en général davantage pour les investisseurs que les études de marché.

Démontrer l'existence d'un marché ne constitue que la première étape. Il faut ensuite réfléchir aux façons d'exploiter au mieux votre idée, et ce n'est pas forcément en créant votre propre entreprise.

Le marché est peut-être fortement concentré, dominé par deux ou trois grands groupes internationaux qui contrôlent également les canaux de distribution. Il est alors parfois dans votre intérêt de vendre le brevet, de le concéder en licence, ou encore de devenir partenaire d'un joint-venture.

Par exemple, conseilleriez-vous à Pam (tableau 2) de monter une unité de fabrication d'équipement agricole ?

En d'autres termes, il faut répondre à deux questions :

1. - Y a-t-il un marché ?

2. - Y a-t-il un créneau potentiel pour une entreprise indépendante ?

Si vous optez pour la création pure et simple, n'oubliez pas que les concurrents restent rarement inactifs. Au mieux, ils seront lents et/ou inefficaces dans leurs réactions. Vous devez évaluer le temps dont vous disposez avant que la réponse de la concurrence n'ait de véritable impact sur vos ventes et les mesures que vous pouvez prendre pour vous protéger.

Se protéger

Au cours de l'évaluation initiale, il est fondamental que vous contactiez vos fournisseurs, clients et sous-traitants éventuels. « Et s'ils me volaient mon idée ? » constitue une préoccupation permanente. « Quelles sont les mesures à prendre pour me protéger ? »

Vous pouvez soit être le premier sur le marché et faire reconnaître votre marque, soit demander à vos contacts de signer des accords confidentiels. Vous pouvez toutefois envisager trois autres options de type juridique :

* Brevets. Ils portent sur l'invention d'un article tangible doté de nouvelles caractéristiques - innovant dans son concept - et d'un potentiel d'application industrielle. Au Royaume-Uni, l'invention doit être tenue secrète jusqu'au dépôt de demande de brevet, mais cette exigence varie d'un pays à l'autre. L'obtention du brevet donne au propriétaire un monopole d'utilisation pour un nombre d'années donné. Les brevets sont octroyés pour un pays uniquement.

* Modèles déposés. Ils concernent les innovations dans le domaine du design. Il peut s'agir de forme, configuration ou motif pour un article manufacturé particulier, comme une voiture.

* Droits d'auteur. Ils interdisent la copie de travaux originaux, même si au cours d'un procès il faut prouver que la copie a effectivement eu lieu. Les grands esprits se rencontrent parfois !

Viabilité de l'opération

Vous vous êtes préoccupé jusqu'à présent des opportunités existantes sur le marché. Vous devriez également réfléchir à la viabilité de votre entreprise. Elle sera déterminée par la manière dont vous envisagez l'organisation de l'opération, c'est-à-dire dans quelle mesure vous sous-traiterez la fabrication du produit ou l'offre de service.

Il est évident que les réponses à ces questions dépendront de vos compétences, de la disponibilité des sous-traitants, du niveau de qualité visé et des financements, mais, à terme, c'est votre analyse financière qui sera l'élément déterminant. Vous devez pouvoir répondre à deux questions simples :

1. - Quels sont les coûts probables de l'affaire et pourrez-vous vendre à un prix qui générera un bénéfice acceptable ? Réfléchissez aux marges éventuelles : quelle est votre marge de manoeuvre si votre estimation des prix ou des coûts est erronée ?

2. - Votre trésorerie peut-elle faire face aux échéances ? Trop d'entreprises font faillite - et cela malgré des marges positives - du fait d'une pénurie de liquidités et parce qu'on ne les a pas payées à temps.

Malheureusement, il n'y a pas de réponses toutes faites à ces questions. Il convient donc de réfléchir aux écueils possibles : par exemple, les ventes peuvent prendre plus de temps que prévu à décoller ou ne s'élever qu'à la moitié des prévisions, les clients mettront peut-être plus longtemps à payer, ou les fournisseurs ne tiendront pas leurs engagements en termes de qualité ou de délais de livraison. Ou encore votre licence de restaurateur n'arrivera qu'après les fêtes de fin d'année.

Quel serait l'effet de ces incidents sur la croissance de votre chiffre d'affaires ? En résumé, quels sont les facteurs essentiels de réussite pour votre entreprise, avec quelle probabilité se réaliseront-ils, quelles sont les mesures préventives à prendre et quelles sont les situations à éviter à tout prix ?

En vous posant toutes les questions énumérées ci-dessus, vos certitudes seront certainement ébranlées. Cependant, n'oubliez pas que vous connaîtrez déjà beaucoup des réponses, ou serez conseillé par vos contacts dans le milieu des affaires, vos amis et votre famille. Il faut tout simplement que vous examiniez votre idée sous tous les angles, afin de vous convaincre, ainsi que votre entourage, du bien-fondé de votre entreprise.

Dernière question : qu'êtes-vous prêt à perdre ? Quels seront les coûts de retrait si les choses tournent mal ? Il s'agit là de la question tant redoutée du risque. Il existe quatre types de risque :

* Financier. Pouvez-vous vous permettre de perdre votre investissement ?

* De carrière. Retrouverez-vous votre précédent poste ?

* Familial et social. Quelle sera l'incidence sur votre réputation ?

* Psychologique. Avez-vous peur d'un échec ?

Qu'est-ce qui vous inquiète le plus et pourrait éventuellement vous arrêter ? En fait, peu d'entrepreneurs pensent en ces termes. Ils voient uniquement l'aspect positif d'un créneau et prévoient des mesures d'urgence pour gérer les côtés négatifs.

Concours Lépine, 1938. Avant de se lancer, l'entrepreneur doit explorer le marché et contacter ses fournisseurs, clients et sous-traitants potentiels. Avec une préoccupation permanente : protéger son idée. (C) Roger-Viollet

SUE BIRLEY est professeur d'entrepreneurship àl'Imperial College Management School, à Londres, président de Newchurch & Company et directeur honoraire à <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />la NatWest Bank.

24 février 2005

Etudes de marché : huit conseils

* Participez activement au processus. Même si vous avez les moyens de payer quelqu'un pour effectuer une partie des recherches, il vaut toujours mieux en faire une partie vous-même. En interrogeant et en observant des clients potentiels, vous glanerez des informations cruciales sur leur comportement qui vous aideront à affiner et à mieux vendre votre concept, aussi bien au client qu'aux éventuelles sources de financement.

* Accordez davantage d'importance à la qualité plutôt qu'à la quantité d'études. Il convient évidemment d'interroger un nombre suffisant de personnes sur le produit et les idées du marché. Toutefois, ne limitez pas votre réflexion aux personnes interrogées, mais posez-vous également des questions sur la qualité de l'information recueillie.

* Soyez préparé et faites preuve d'ouverture d'esprit lorsque vous entreprenez des études de marché. Soyez toujours précis quant aux données à collecter et aux personnes que vous souhaitez interroger. En même temps, soyez prêt à changer de techniques (par exemple passer des enquêtes au sens large aux groupes ciblés) et à faire participer de nouvelles personnes. L'enquête est un processus d'apprentissage. Vous obtiendrez peut-être des informations qui vous orienteront dans des directions différentes et vers d'autres sources. Suivez votre instinct et soyez prêt à sonder et à expérimenter selon les besoins.

* Utilisez une approche itérative. Vous devez prévoir d'aller à l'extérieur, de recueillir des informations, de rentrer et de réfléchir, puis de recommencer. Le processus d'évaluation ne doit pas être perçu comme une procédure isolée qui vous fournit un « oui » ou un « non ». La réflexion sur ce que vous apprenez est essentielle.

* Même lorsque les réponses fournies confirment vos attentes, n'en laissez rien paraître. Les entrepreneurs n'arrivent pas toujours à se contenter de tester leurs idées auprès de clients potentiels, sans les vendre. Votre but est d'obtenir une évaluation objective. Si les personnes interrogées ont l'impression que votre motivation première est de les convaincre du bien-fondé de vos idées, votre évaluation n'aura aucune valeur : vous obtiendrez probablement des résultats positifs, mais qui ne seront pas significatifs.

* Soyez prêt à modifier le produit ou le service. Il ne faut pas essayer de vendre vos idées, parce que vous devez aussi être prêt à modifier votre produit ou service. Testez différentes combinaisons de caractéristiques sur le marché. Le processus itératif concerne en partie le fait qu'il faudra peut-être que vous modifiiez le produit ou le service au cours de l'étude de marché et de l'évaluation.

* Ne soyez pas frustré par le manque de données. Vous rassemblez des informations pour compléter un puzzle. Vous trouverez rarement des données qui ont trait directement à l'évaluation de nouvelles opportunités de marché. Au bout du compte, vous voulez vous assurer que vous avez à peu près raison et que vos marges en cas d'erreur sont suffisamment confortables pour couvrir une prévision légèrement erronée.

* Comprenez que vous continuerez à apprendre après le lancement du produit. Le processus de présentation du produit sur le marché est en lui-même l'occasion d'évaluer un créneau. Vous devez préparer des méthodes de collecte d'information concernant le lancement afin de faire des ajustements rapides qui maximiseront vos chances de réussite.

DANIEL F. MUZYKA est professeur IAF en entrepreneurship et doyen associé du MBA de l'Insead, à Fontainebleau.

24 février 2005

L'évaluation du projet

Taille du créneau, valeur ajoutée, taux de croissance escompté : l'entrepreneur doit évaluer l'intérêt d'une opportunité avant de se lancer.

L'entrepreneuriat vise en premier lieu à ajouter de la valeur, pour toutes les parties concernées, surtout celles qui exploitent le créneau. Aux yeux des clients, des distributeurs et des détaillants impliqués, le produit doit apporter une valeur supplémentaire.

Comment mesurer la valeur ajoutée en termes réels ? Pour les spécialistes du capital-risque et autres financiers, la règle est que la marge brute soit de 35 à 40 %, voire plus.

Ainsi, le bénéfice, moins les coûts directs de main-d'oeuvre et de matériels nécessaires à la production du bien ou du service, doit s'élever au moins à 40 % du chiffre d'affaires. Ces 40 % sont la véritable valeur ajoutée de votre produit.

Pourquoi est-ce essentiel ? Il est évident que, plus la marge brute est élevée, plus les résultats de bas de bilan sont potentiellement conséquents. De plus, la marge brute indique combien de valeur est ajoutée par des ressources spécifiques, comme la matière grise, la conception et le marketing. S'il n'y a que peu de valeur ajoutée, à quoi bon se lancer ? Sans l'adjonction significative de valeur, on prend un risque important sans créer grand-chose, malgré tous les efforts et le temps que représente la mise en place de ressources en biens et en personnes.

La largeur du créneau

Quelle taille doit avoir l'opportunité ? La réponse est « ça dépend ». Cela dépend de la quantité de valeur que l'on veut créer et du retour minimal que l'on souhaite obtenir. Cela dépend aussi de la taille d'opportunité qui va séduire les investisseurs. (Les investisseurs en capital-risque se fixent souvent une valeur minimale.)

Cela dépend de la valeur dont vous avez besoin pour vous positionner sur le marché comme un concurrent efficace et en pleine croissance. Cela dépend du facteur économique « l'échelle d'efficacité minimale », c'est-à-dire qu'il faut savoir quelle est la taille minimale requise pour pouvoir utiliser efficacement les actifs nécessaires. Et l'importance du projet permet également de pouvoir attirer les personnels clefs nécessaires à son succès.

Les entrepreneurs à la recherche de croissance tiennent non seulement compte de la taille de l'opportunité, mais également du taux de croissance escompté. S'ils recherchent avant tout la croissance, ils se focaliseront sur le taux de croissance potentiel.

Certains réalisent très rapidement qu'un taux de croissance trop rapide sur une période longue est néfaste. C'est une situation difficile à gérer, qui attire les concurrents comme les mouches sur le vinaigre et qui exige des ressources financières conséquentes et sans cesse renouvelées pour pouvoir disposer d'un capital financier adéquat. A l'inverse, un taux de croissance trop faible ne permettra pas de créer suffisamment de valeur et d'attirer les partenaires clefs.

Quels sont les taux de croissance requis ? Ils varient considérablement et sont, bien entendu, fonction du contexte. Néanmoins, en général, une croissance à long terme en dessous de 10 points est insuffisante, et obtenir une croissance de plus de 100 % est pratiquement impossible à atteindre. Tout dépend aussi de la taille de l'entreprise que l'on souhaite créer. Il ne faut pas voir trop grand quand on veut monter une affaire tout en menant une vie équilibrée.

Economie et entreprise

Deux facteurs sont essentiels pour l'entrepreneur en herbe : à combien se montent les bénéfices et où est précisément généré ce profit ? Si l'entreprise n'ajoute pas suffisamment de valeur, il est impossible d'obtenir un bénéfice suffisant.

De plus, se posent d'autres questions : à quel niveau du compte de résultat et du bilan crée-t-on de la valeur ? Comment gagne-t-on de l'argent ? D'où viennent les bénéfices ?

Il convient d'identifier les leviers qui créent de la valeur sur votre marché. Vous devez aussi savoir si ces leviers sont durables ou non. Par exemple, gagnez-vous de l'argent parce que vous êtes capable de vous déplacer rapidement pour fournir du pain aux boulangeries en rupture de stock alors que leurs fournisseurs réguliers ne les livrent qu'une fois par jour et que les clients en demandent davantage ? Votre capacité à être très réactif et à satisfaire des demandes ponctuelles (au prix fort, bien entendu) peut être la base de votre affaire. Comprendre ces leviers permet de mieux gérer votre commerce, et vous pourrez également vérifier si ces paramètres sont adéquats et durables.

J'ai connu une entreprise qui avait tendance à toujours améliorer son environnement dès qu'elle s'implantait quelque part. En tant que telle, cette société dégageait un bénéfice raisonnable, certes, mais qui n'avait rien d'extraordinaire. Le chef d'entreprise se lançait sur un marché géographique, achetait un local commercial pour y installer l'entreprise, le rénovait, démarrait son affaire, puis, finalement, la vendait sous forme de franchise.

D'autres entreprises étaient attirées sur la nouvelle zone commerciale et contribuaient à son amélioration. Ainsi, une fois venu le moment d'évaluer la propriété pour la vendre au franchisé, le chef d'entreprise était toujours sûr de réaliser une importante plus-value.

D'où tirait-il ses bénéfices ? Principalement de l'opération immobilière. Il savait donc exactement sur quoi concentrer ses efforts et son énergie. Il ne gaspillait pas son temps à essayer de trouver des méthodes permettant d'améliorer la rentabilité de son magasin. Il se consacrait plutôt à trouver de nouveaux emplacements prometteurs.

Combien de temps avez-vous ?

Les bonnes occasions ne durent jamais éternellement. D'ailleurs, si vous en trouvez une (légale) qui n'ait pas de limite dans le temps, faites-le moi savoir. La vraie question est de savoir combien de temps votre créneau restera ouvert avant que tout le monde ne s'y engouffre et ne se concurrence sur la base des prix plutôt que sur celle de la valeur. Voire pire encore.

Qu'est-ce qui détermine le temps au cours duquel le créneau n'est ouvert qu'à vous ? Tout d'abord, avez-vous signé un contrat qui vous autorise à utiliser exclusivement une technologie ? Il ne s'agit pas forcément d'une technologie sur laquelle vous bénéficiez d'un contrôle exclusif, mais peut-être d'une technologie dont vous seul maîtrisez la source ou le canal de distribution.

Ensuite, recherchez-vous un créneau offrant des produits se substituant à d'autres, ou plutôt l'occasion d'avoir une base spécifique et solide à partir de laquelle effectuer des développements ? Les clients dont vous seul pouvez satisfaire les besoins spécifiques vous apportent un avantage concurrentiel conséquent.

Troisièmement, bénéficiez-vous d'une relation privilégiée qui vous confère un avantage sur vos concurrents ? Quatrièmement, êtes-vous capable d'ériger des barrières « post-entrée » (qui demanderont des dépenses supplémentaires à vos concurrents) à destination des autres organisations qui vous emboîtent le pas ?

Au final, la clef du succès ou de l'échec d'une entreprise repose souvent sur la différence marginale que représentent les aspects « intangibles » de l'affaire en question. Vous êtes le seul qui soit à même d'évaluer ces critères émotionnels. Aimez-vous cette opportunité ? Y croyez-vous ? Ces facteurs sont essentiels, car ils laissent présager de votre persévérance face aux obstacles habituels que rencontrent les entrepreneurs.

Voici maintenant quelques enseignements en matière d'opportunité tirés de l'expérience réussie d'entrepreneurs confirmés :

* Une opportunité en cache d'autres. Pour construire une entreprise rentable et créatrice de valeur à long terme, l'opportunité de départ doit déboucher sur de nouvelles ouvertures.

* Une opportunité vous aide à développer des compétences porteuses. Une autre caractéristique du bon créneau est qu'il permet de développer et de mettre en oeuvre différentes compétences. Les bonnes opportunités sont celles qui obligent l'entreprise à développer des compétences qui pourront ensuite être exploitées dans d'autres cadres.

* L'opportunité ne doit pas être évaluée ou exploitée par une seule personne. Quand on examine le parcours des « serial entrepreneurs » de la création d'entreprise et que l'on cherche à comprendre comment ils repèrent les créneaux porteurs, il semble que l'adage qui dit que « deux têtes valent mieux qu'une » soit tout à fait vrai. Ces entrepreneurs recherchent habituellement des partenariats avec d'autres individus (souvent, d'ailleurs, avec un seul partenaire privilégié), avec lesquels ils fonctionnent en tandem, d'une affaire à l'autre. Ces partenaires apportent leurs propres compétences et aident à l'évaluation et à la mise en oeuvre du projet identifié.

* Il est également utile d'étudier la concurrence et la manière de l'affronter. Vos concurrents les plus proches sont-ils des « requins » ? Certains créneaux impliquent une concurrence (ou une situation de quasi-concurrence) avec des entreprises ou des individus qui ne sont pas très agressifs. En revanche, dans d'autres secteurs, les concurrents « dévorent leurs petits ». Essayez de savoir si d'autres entreprises nouvellement créées ont survécu dans l'environnement concurrentiel auquel vous allez vous frotter.

La façon dont vous organisez votre concurrence est plus importante que l'endroit où celle-ci se joue. Certes, vous devez trouver un bon emplacement, mais la priorité est d'abord de savoir si vous serez viable et si vous gagnerez de l'argent.

DANIEL F. MUZYKA est professeur IAF en entrepreneurship et doyen associé du MBA de l'Insead, à Fontainebleau.

24 février 2005

Repérer des opportunités

Seuls les marchés imparfaits sont source d'opportunités. Une typologie en six points peut permettre de les déceler.

La caractéristique distinctive d'un entrepreneur est sa capacité permanente à identifier et à savoir exploiter des opportunités. Certes, le repérage des opportunités ne constitue qu'une condition nécessaire, mais non suffisante, si l'opportunité n'est pas mise en oeuvre. Mais c'est cette aptitude première à renouveler le « stock » d'opportunités qui permet de ne pas être condamné à des choix du type « tout ou rien » et, au contraire, de sélectionner au sein de ce capital celles qui présentent les meilleures chances de succès. Accroissant la probabilité de réussite dans l'exploitation des opportunités, le repérage représente donc la phase clef de l'entrepreneuriat.

Selon les économistes, et pour ce thème sensible à l'intuition il nous semble essentiel de revenir à la théorie, les opportunités n'existent que dans les marchés imparfaits, en déséquilibre. L'entrepreneur, selon les écoles, est celui qui rompt un équilibre ou constate un déséquilibre et, dans les deux cas, crée un nouvel équilibre à son profit. Les marchés imparfaits et les aberrations, contradictions et incohérences qui caractérisent certaines activités constituent donc la source des opportunités. A cet égard, on peut affirmer qu'il existe des opportunités en soi, à portée de perception de tous.

Mais la vigilance est un acte de perception propre qui dépend des informations que détient l'entrepreneur. Dans des marchés en déséquilibre, l'information est par nature imparfaite et incomplète. Face à ces poches d'ignorance, certains individus sont moins démunis que les autres.

De plus, tous ceux qui identifient des déséquilibres ne les évaluent pas en tant qu'opportunités de la même façon, mais en fonction des ressources et des compétences qu'ils maîtrisent. Les activités liées à ces déséquilibres seront pour certains facilement exploitables, alors que d'autres se heurteront à des obstacles quasi infranchissables pour y réussir. En ce sens, une opportunité est également relative et propre à chaque entrepreneur.

Si nous limitons cet aspect relatif, de quels repères dispose un entrepreneur pour identifier des opportunités ? Ce sont les déséquilibres qu'il convient de détecter, nous l'avons déjà évoqué. Et nous proposons de les rechercher en pratiquant une typologie en six points. Les opportunités se cachent et se trouvent dans tous les marchés, domaines d'activité et niches qui répondent à au moins un des qualificatifs suivants :

* Prometteur

Est prometteuse l'activité qui possède un fort potentiel de développement, qu'elle soit en démarrage ou au début de sa phase de croissance. Et, ce qui caractérise ces deux phases du cycle de vie d'une activité, c'est un droit d'entrée faible, un droit à l'erreur important et une plus grande facilité (d'où le terme marché porteur), trois qualités essentielles d'une opportunité.

Encore faut-il être certain que l'activité se situe bien à ces phases de vie. Et, pour cela, fonder son analyse non pas sur des valeurs passées et actuelles d'indicateurs simples, tel le taux de croissance constaté, mais sur des « trends », qui promettent des tendances durables. Ces « trends » sont de nature démographique, économique, technologique, sociétale ou réglementaire. Le traitement des déchets constitue le parangon des activités porteuses puisqu'il associe, en positif, l'ensemble de ces « trends ». Le facility-management des activités administratives en est une autre illustration, s'appuyant sur la tendance lourde d'externalisation des activités hors coeur de métier des entreprises que l'on peut constater depuis des années dans les comptes de la nation.

Trois écueils jalonnent cependant cette analyse. Le risque de non-explosion du marché, lorsque l'offre ne peut s'adapter à la demande : c'est le cas de la domotique, qui est toujours en démarrage quinze ans plus tard. Le risque du premier entrant qui doit généralement défricher le marché, ce qui est coûteux et difficile ; l'expérience prouve qu'il existe une prime aux copieurs innovants plutôt qu'aux first-movers. Enfin, le risque d'essoufflement précoce propre aux activités liées aux phénomènes de mode et de médiatisation.

* Mouvant

Point n'est nécessaire, cependant, que l'activité soit porteuse pour qu'elle soit génératrice d'opportunités. Les activités stagnantes ou déclinantes le sont tout autant sous réserve qu'elles présentent des situations d'évolution, de confusion, ou de chaos. Tout désordre est porteur d'un futur ordre qui se crée habituellement par l'intermédiaire et au profit de nouveaux acteurs et au détriment de ceux en place, englués dans leurs anciennes pratiques.

Il s'agit donc d'identifier les activités qui sont dans des situations actuelles ou futures de forte évolution sur le plan qualitatif et structurel. Dans le premier cas, il conviendra d'exploiter les déséquilibres existants. Si ceux-ci sont relativement visibles, il n'en reste pas moins tout un champ d'expérience pour de nouveaux acteurs. Comme le prouve l'exemple des fabricants qui exploitent l'opportunité des produits à marques de distributeurs. Dans le second cas, le plus intéressant, c'est l'anticipation des bouleversements à venir dans des activités apparemment stables qui conduira au repérage d'opportunités. Ces bouleversements peuvent être de nature technologique, comme l'introduction de l'électronique dans les jouets ou du laser dans les traitements médicaux, ou liés à des modifications profondes des besoins et comportements des consommateurs. Les modes de distribution ne sont pas à l'abri, et il n'est pas nécessaire d'être grand devin pour prévoir un grand chambardement dans la distribution des produits techniques (VPC, Internet...).

* Imparfait

Dans un marché parfait, au sens économique, les entreprises ne sont que des fonctions de production, réalisant toutes le même produit, et les consommateurs effectuent leur choix entre les concurrents sur la seule base du prix. La règle est simple : avoir le coût le plus bas. La contrepartie est évidente : il n'existe pas d'opportunités hors de cette règle. Ce sont donc les marchés imparfaits que l'entrepreneur doit identifier, car il n'y a qu'en leur sein que se nichent les opportunités. Ceux dont la compétition est peu ou pas fondée sur les prix, comme la formation ou le conseil. Ceux où il n'existe pas d'offre(s) de référence établie(s) et où les possibilités de différenciation des acteurs sont multiples (les univers de spécialisation et de fragmentation). Ceux où l'effet d'expérience et la sensibilité du volume au prix sont faibles. Ceux, enfin, qui se caractérisent par une concurrence molle, fruit d'une structure concurrentielle de type oligopole passif ou coexistence de groupes stratégiques éloignés.

* Incomplet ou caché

Un marché local est incomplet si, sur une des autres zones géographiques du même marché, ont été développés des segments d'activité qui n'existent pas en son sein. De nombreux entrepreneurs, sans idées innovantes, se sont fait une spécialité du repérage des failles locales par rapport à des marchés géographiques plus évolués, généralement celui des Etats-Unis, et sont allés y chercher des franchises (services aux particuliers essentiellement), ou apprendre les nouvelles formules (cas de la vente en VPC d'outils coupants, par exemple). Le procédé peut paraître simpliste et peu valorisant, mais, si un minimum de règles déontologiques est suivi, il est respectable et souvent efficace. Sous réserve que les deux conditions de transférabilité de l'opportunité soient appliquées : test de la réalité du marché local et adaptation du concept aux conditions spécifiques.

Il existe par ailleurs souvent, au sein d'un marché global, des niches à l'abri des regards habituels. De par leurs caractéristiques - très petite taille, activité bizarre, peu évidente et souvent peu excitante -, elles n'attirent pas les convoitises et, à ce titre, constituent de réelles opportunités. Tel est le cas, par exemple, du négoce de viscères et abats animaux pour les laboratoires pharmaceutiques et de beauté. Dans un même registre, les entreprises endormies, en raison souvent de l'âge de leur dirigeant, à fort potentiel inexploité (marque de notoriété et outil sous-utilisé), repré- sentent des sources d'opportunités par croissance externe.

Plus généralement, toutes les activités qui sont caractérisées par un niveau d'information inexistant ou insuffisant, ou pour lesquelles cette information est ambiguë et contradictoire, sont sources potentielles d'opportunités. Tel est le cas actuellement de l'Internet et de l'Intranet. La règle est facile à expliquer : si l'information est simple et disponible, elle l'est pour tous et donc sans valeur relative pour chacun ; si, en revanche, elle est incohérente et difficilement compilable, elle prend toute sa valeur pour ceux qui savent la rassembler et l'analyser.

* Incohérent et incongru

Les opportunités résident également dans toutes les activités qui présentent des incohérences. Les entrepreneurs ont depuis longtemps compris qu'il fallait rechercher les ruptures et les goulets d'étranglement qui caractérisent certains procédés ou chaînes de valeur et qui signifient opportunités de process amélioré. L'exemple ancien de Polaroid dans la chaîne photographique est un grand classique. Celui des goulottes d'évacuation des gravats lors des rénovations dans les immeubles est plus récent et a fait la fortune de son inventeur.

L'identification des comportements économiques incongrus, reposant sur des habitudes ancrées, des dogmes partagés par l'ensemble des acteurs de l'activité, mais qui sont en fait contraires au vrai « bon sens économique », constitue également une source d'opportunités. Tel a été le cas, par exemple, avec l'arrivée des transconteneurs roll on-roll off qui ont permis de diminuer drastiquement les coûts et les temps de séjour au port qui étaient devenus dominants, alors que l'ensemble du secteur naval persévérait dans la recherche de la plus grande vitesse économique sur l'eau, comme il l'avait toujours fait.

Certains s'étonnent que de tels comportements puissent exister, sans cependant questionner leurs propres habitudes. Mais ils correspondaient à une époque à une réalité économique. C'est le fait de les poser en dogmes, intemporels et axiomatiques, qui risque de les transformer en incongruités. Et c'est pourquoi leur remise en cause est généralement le fait de non-conformistes et de nouveaux entrants.

* Perméable et rentable

Car il n'y a d'opportunités que dans les activités qui restent perméables à ceux qui veulent s'y insérer. De ce point de vue, la notion de barrières à l'entrée, chère aux économistes industriels, est particulièrement pertinente. Elle permet de recenser et de mesurer les obstacles que doivent surmonter ceux qui désirent saisir l'opportunité.

Plus les barrières (brevets, normes, effet d'expérience ou d'échelle, savoir-faire, ticket d'entrée...) sont faibles et plus le marché est perméable. Mais il l'est alors pour tout nouvel acteur, naturellement attiré par la facilité à y entrer. Et, dans ce cas, la règle est claire : de la force des barrières dépend le profit potentiel. Quel intérêt alors de pénétrer un tel secteur ? Mieux vaut investir les activités à forts obstacles par malheur, ce sont les plus difficiles et coûteuses à pénétrer.

Pour sortir de cette impasse, il suffit de passer de la mesure absolue à la valeur relative des barrières à l'entrée. Celles-ci n'ont en effet pas la même importance selon l'acteur qui les évalue. Elles sont fonction à la fois de sa capacité d'analyse et des ressources et compétences qu'il maîtrise, l'idéal en termes d'opportunité étant les secteurs à faibles barrières pour soi, mais très imperméables pour les autres.

Or cela est possible dans deux cas de figure :

- lorsque les barrières, dans la réalité assez faibles, sont difficilement perçues comme telles par la plupart. Car elles sont inhérentes à des savoir-faire peu évidents à identifier, à des chaînes de valeur complexes à appréhender, ou à des réticences psychologiques liées, par exemple, au non-attrait de l'activité. Dans ce cas, comme le montre le tableau ci-dessous, on parlera de secteur en « trompe-l'oeil » ;

- et lorsque les barrières, qui sont réellement fortes, le sont beaucoup moins pour l'entrepreneur ou sa société qui a une connaissance et une expérience proche de cette activité, qui en maîtrise les savoir-faire essentiels, ou qui intègre dans son équipe un homme à compétences clefs peu répandues.

MICHEL SANTI est professeur de stratégie et politique d'entreprise au Groupe HEC et coauteur de « Strategor » et de « Fortune faite ». Administrateur de plusieurs entreprises et ancien président d'une association de créateurs, il oeuvre depuis plus de vingt ans dans le domaine de l'entrepreneuriat.

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