S'ouvrir les portes de l'autofinancement
Le taux maximal de croissance par autofinancement permet d'évaluer les performances et les besoins prévisionnels de trésorerie.
NEIL C. CHURCHILL ET JOHN W. MULLINS
La première partie de cet article, parue dans le cahier 8 de L'Art d'Entreprendre, traitait des entrées et des sorties de trésorerie dans un cycle d'exploitation.
Mais, si le taux de croissance est important dans un cycle d'exploitation, la plupart des managers réfléchissent en termes de croissance annuelle. Pour annualiser le taux maximal de croissance par autofinancement (Mifrog ou Maximum Internally Financiable Rate of Growth) pour différents produits ou marchés, ou le comparer avec ceux de différentes sociétés, il est nécessaire de le faire sur une même période.
Il est évident que, si notre entreprise fictive, M&C, enregistre une croissance de 7,47 % en 170 jours, elle aura une croissance supérieure sur 365 jours. Il suffit de multiplier le taux maximal de croissance par autofinancement correspondant à un cycle unique par une année divisée par 170 jours. Le taux maximal de croissance par autofinancement annuel est donc de 16,04 %.
En conséquence, si M&C enregistre une croissance inférieure à 16,04 %, l'entreprise va générer, par ses ventes, une trésorerie plus importante que ne le requiert sa croissance. En revanche, si la croissance de M&C;est supérieure à son taux maximal de croissance par autofinancement, elle devra trouver des capitaux externes pour la financer. Le taux maximal de croissance par autofinancement constitue donc un outil de prévision des besoins en trésorerie.
Maîtriser les flux de trésorerie
L'exemple de M&C;nous montre que les facteurs qui déterminent le taux maximal de croissance par autofinancement sont : premièrement, la trésorerie nécessaire pour produire une unité de vente ; deuxièmement, la durée de chacun des cash-flows ; troisièmement, la trésorerie générée par l'unité de vente résultante.
Si la gestion peut réduire le montant de la trésorerie nécessaire, réduire la durée des décaissements ou augmenter les liquidités générées par une unité de ventes, le taux maximal de croissance par autofinancement s'accroît. Ce résultat est illustré figure 1, avec en parallèle la situation initiale, c'est-à-dire un taux maximal de croissance par autofinancement annualisé de 16,04 %.
Levier 1 : réduire les liquidités nécessaires
Supposons que la direction de l'entreprise puisse réduire le coût des marchandises vendues de 1 % et les coûts d'exploitation de 0,5 %, comme indiqué à la figure 1. La trésorerie requise pour financer une vente diminue de 0,669 à 0,658 franc, soit un gain de 0,011 franc par cycle d'exploitation. Si la trésorerie générée par la vente était restée inchangée (0,05 franc) du fait d'une diminution équivalente du prix, les anciennes ventes nécessaires pour produire une nouvelle vente auraient été égales à 13,16 francs, le taux maximal de croissance par autofinancement par cycle d'exploitation serait passé à 7,6 %, et à 16,32 % en annuel. Augmentation peu significative. Heureusement pour la société, cela ne s'est pas produit : elle n'a pas modifié ses prix et sa trésorerie a augmenté, à 0,065 franc par franc de ventes.
Levier 2 : augmenter le niveau des liquidités générées
Si les ventes produisent 0,065 franc de liquidités par franc, la société a seulement besoin de 10,129 francs de ventes anciennes pour générer 1 franc de ventes nouvelles (figure 1). Le taux maximal de croissance par autofinancement par cycle d'exploitation s'élève alors à 9,87 %, et par année à 21,2 %. Alors que l'augmentation à 0,015 franc des liquidités générées équivaut à 30 %, les liquidités nécessaires sont de 0,011 franc seulement, soit 1,64 %. Notons l'effet de la marge bénéficiaire. Cela explique pourquoi les sociétés de logiciels, une fois leur produit mis au point, peuvent croître si rapidement. Elles facturent de 150 francs à 300 francs un produit dont le coût de vente est inférieur à 20 francs. Si la société relevait simplement ses prix de 0,015 franc sans toucher aux besoins de trésorerie, elle aurait une croissance autofinancée par cycle d'exploitation de 9,72 % et de 20,86 % par an, c'est-à-dire un résultat pratiquement identique.
Levier 3 : réduire le cycle des cash-flows
Le troisième levier est illustré par les deux dernières colonnes de la figure 1. Il est appliqué à la fois au scénario initial et au scénario amélioré. On réduit de 4 jours (5 %) la durée de détention des stocks et de 6 jours (6,67 %) le délai moyen de règlement des comptes clients. Il en résulte un cycle d'exploitation de 160 jours au lieu de 170, qui se traduit par une augmentation des taux maximaux de croissance par autofinancement par cycle d'exploitation et par an de 7,55 % et de 17,22 % respectivement dans le cas du scénario initial, et de 9,97 % et de 22,75 % dans le cas du scénario amélioré. Rien n'interdit en effet aux dirigeants d'actionner simultanément les trois leviers. Cela représente un relèvement de plus de 40 % du taux de croissance de la société sans apport de capitaux externes.
Nous avons jusqu'ici considéré un cas de figure simplifié, dans lequel le cycle d'exploitation englobe tous les flux de trésorerie nécessaires pour financer 1 franc de ventes. Mais la plupart des entreprises doivent périodiquement augmenter leurs capacités physiques de production, investir dans <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />
M&C, entreprise industrielle (Figure 2)
(*) Les coûts de main-d'oeuvre sont engagés de manière constante pendant les 80 premiers jours de travail. Si l'on multiplie les coûts correspondants à chaque période de 10 jours par le nombre de jours restant avant l'encaissement, selon la méthode utilisée pour calculer les coûts d'exploitation dans la figure 3 de la première partie de cet article (cahier n^o 8, pages VI et VII), et si l'on divise ensuite le total par 170 jours, les sorties de trésorerie correspondant à la main-d'oeuvre sont en moyenne de 0,15294 franc.
Cash-flows « multipériodes »
Les cash-flows « multipériodes » impliquent deux changements. Le premier concerne les liquidités générées par une vente. Le second porte sur l'affectation des liquidités requises pour acheter des biens d'équipement, pour financer des programmes marketing ou pour soutenir
Supposons que la société M&C se transforme en entreprise industrielle en ajoutant des machines et des équipements pour une valeur de 60.000 francs par 100.000 francs de ventes, et en décomposant les coûts de vente en coûts de matières et coûts de main-d'oeuvre (voir figure 2). Si la durée de vie de ces équipements est de dix ans, leur coût d'acquisition doit être inclus dans le calcul des besoins de trésorerie. Il s'agit de 0,06 franc par an, ou 0,0279 franc par cycle d'exploitation de 170 jours. Si l'on ajoute ce chiffre à la trésorerie utilisée par les charges d'exploitation, on parvient à un total de 0,6853 franc, qui doit être généré par les ventes d'un cycle d'exploitation, et à un taux maximal de croissance par autofinancement de 7,3 %, et de 15,67 % annualisé.
Calculs et avertissements
* La formule. Le calcul du Mifrog peut être exprimé par la formule ci-après :
* Les éléments de trésorerie et leur durée. La durée du cycle d'exploitation est celle de l'élément de trésorerie le plus long pour produire une unité de ventes. Dans les exemples ci-dessus, nous n'avons pris en compte que deux flux dans le cycle d'exploitation : le coût des biens vendus et les charges d'exploitation.
Il en existe d'autres qui peuvent s'étendre sur des périodes différentes, comme le paiement anticipé de spots télévisés, les lettres de crédit qui précèdent la livraison des stocks, etc. Le cycle d'exploitation est le cycle le plus long. Considérons l'exemple ci-après qui inclut quatre flux de trésorerie :
Dans cet exemple, le flux le plus long est celui du coût des ventes. C'est la somme de la lettre de crédit, du stock et du compte clients, soit 45 + 50 + 60 (155 jours) ; la publicité TV a été réglée 90 jours avant le passage à l'antenne qui génère le compte clients, et la lettre de crédit a été émise 95 jours avant la réalisation de la vente.
Si, toutefois, les dépenses de publicité devaient être réglées 120 jours à l'avance, le cycle d'exploitation serait alors égal à la somme des 120 jours de publicité et des 60 jours correspondant au compte clients, soit un total de 180 jours.
Etant donné les 90 jours de paiement anticipé de la publicité, l'encours de chaque cash-flow est le suivant : Le taux maximal de croissance par autofinancement est un outil puissant qui permet d'intégrer à la fois la gestion d'exploitation, habituellement centrée sur le compte de résultats, et la gestion financière, centrée, elle, sur le bilan. On peut le calculer pour les filiales, les lignes de produits et les segments de produits/marchés. On peut le faire à partir de moyennes passées ou de performances prévisionnelles. Il peut donc fournir un éclairage très utile sur les conséquences des décisions managériales.
* Avertissements. Il est à noter cependant que le taux maximal de croissance par autofinancement se fonde sur l'agrégation de cash-flows regroupés sur des périodes différentes. Il permet de cerner de très près la croissance qui résulte d'un ensemble complexe de facteurs interdépendants, sans toutefois être toujours exact. Dans tous les cas où l'on a besoin d'un chiffre précis, une approche plus traditionnelle - le tableur - est généralement préférable. Le taux maximal de croissance par autofinancement permet aux dirigeants de comprendre la situation ; le tableur offre la précision requise pour présenter un plan de trésorerie à une source extérieure de financement. Les deux outils méritent leur place dans une panoplie d'outils de planification.
Le taux maximal de croissance par autofinancement constitue un outil de prévision des besoins en trésorerie. En effet, si l'entreprise enregistre une croissance inférieure à ce taux, elle va générer, par ses ventes, une trésorerie plus importante que ne le requiert sa croissance. En revanche, si sa croissance est supérieure, elle devra trouver des capitaux externes pour la financer. (C) Masterfile/PIX